Lundi 22 juin sept heures du matin

Les mains encore pleines de sang séché, je me lève du banc pour la onzième fois depuis que je suis là, contre le mur de la salle principale du commissariat. Les regards de mes voisins d'infortune se tournent vers moi et je me rassieds presque aussitôt, avec la même nervosité. L'angoisse très présente m'empêche de respirer correctement mais je connais tous les symptômes, j'imagine que ça aide à ne pas y céder. Je suis là à attendre qu'on m'interroge, déjà heureux de ne pas être derrière les barreaux. J'ai peur que le centre ne me recherche et qu'ils les préviennent, j'ai peur qu'ils viennent me chercher, j'ai peur d'être à nouveau enfermé là-bas. Pourtant, quand j'ai vu cet homme poignardé se vider de son sang dans la rue, je n'ai pas hésité. Son assassin s'enfuyant, j'ai tout fait pour stopper l’hémorragie et j'ai appelé les secours tout en procédant aux soins d'urgence. Quand ils l'ont emmené, il était vivant, mais je ne suis pas sur de ses chances.

L'ambulance et la police sont arrivés en même temps sur les lieux. Et comme je parle très mal anglais, on m'a embarqué jusqu'au poste. Je crois que c'est pour m'interroger. Est-ce que je suis témoin ou suspect, personne ne me l'a dit ou bien je n'ai pas compris mais comme je ne suis pas derrière les barreaux et que je n'ai pas de menottes, je penche pour témoin. Dieu merci, j'ai pu donner les papiers que m'a fait faire Maggy, un passeport russe à mon nom avec un visa de travail temporaire H-2B, ce qui me permet de faire valoir mon travail à l’hôpital. J'essaye de ne pas paniquer, mais la situation me stresse. Combien de temps, je vais devoir rester là. Après une nuit de travail à l'hôpital, je suis fatigué et à bout de nerfs. Depuis le début de mon sevrage, je n'ai jamais eu autant besoin ou envie d'une dose.