Mes pieds tracent leur route d'eux-même sur le sol de l'hôpital. Mes yeux observent les alentours, se pressent sur les indications qui m'entourent dans l'espoir de trouver la chambre de Scylla au plus vite, le coeur affolé par ma course. Lorsque j'ai reçu son message, je n'ai pas hésité une seconde. J'ai sauté dans ma voiture sans attendre, oubliant les douleurs de mon corps, les ecchymoses et le repos qui m'était imposé par mon état. Je n'ai pas réfléchi, j'ai juste filé à travers la ville pour espérer la retrouver au plus vite, le pied enfoncé sur l'accélérateur, ne pouvant m'empêcher de jurer contre moi-même, une culpabilité crasse se pressant au fond de mon ventre. J'aurais dû être là pour elle. J'aurais dû savoir, prendre des nouvelles, faire... Quelque chose, pour éviter ça. Les souvenirs de cette journée tournait dans ma tête tel un mauvais film. Alors que j'étais au Purple occupé à sauver les Sénateurs sous les ordres de Marion, elle était blessée, terrassée par l'attentat qui avait eu lieu au Naughty. J'aurais voulu pouvoir être là pour lui éviter ça. Pour la sauver et empêcher qu'elle soit blessée. Les dents serrées, je me maudissais de n'avoir rien fait, ne me souciant que de mon état en priant pour qu'elle n'ai rien. Si elle était à l'hôpital, c'est que cela devait être grave. L'idée de la perdre faisait s'agiter le sang dans mes veines, incapable de penser à autre chose qu'à tout ce que nous avions vécu et tout ce que je n'avais pas dit, pas fait. Toutes nos nuits, tout ce temps passé avec elle. Cette sensation tenace que nous avions le temps de rattraper le temps perdu, avant que la réalité ne m'éclate furieusement à la gueule. La vie ne tenait à un fil. Qu'est-ce que j'aurais fait si... ?

Enfin, mon regard écorcha le panneau de sa chambre. Ma main s'abattit sur la poignée alors que j'entrais à la volée. Sa silhouette apparu devant moi, sagement assise sur son lit de fortune. L'impulsion me grilla les neurones, agitant mon coeur alors que je réduisais à néant l'espace entre nous, me jetant sur elle comme si ma vie en dépendait. Mes bras l'enlacèrent avec force, laissant voler mes sentiments emmêlés dans le creux de mon ventre. Elle était là. Elle était en vie. Bon dieu, merci. Le soulagement s'écrasa sur mes épaules alors que je fermais les yeux, le nez logé dans son cou.

« Putain. Me refait jamais ça. Jamais. »

Je frissonnais, murmurant mes mots contre sa peau dont j'inspirais le parfum en resserrant ma prise sur elle. Peu importe les douleurs qui m'enserraient le corps. Ça n'avait aucune importance. Seule elle comptait. Mes sourcils se froncèrent douloureusement alors que mes lèvres trainèrent sur son épiderme, embrassant sa peau, m'assurant qu'elle était réelle.

Mon coeur s'emballe avec force dans ma poitrine. Je refuse de la lâcher tout de suite, avant que ce soit finalement sa voix quelque peu faiblarde qui me ramène à la réalité. Ma prise se déserre aussitôt sur son corps, lui offrant un sourire désolé.

« Pardon. Pardon. »

Je laisse les élans de mon coeur répondre à la tendresse qu'elle m'offre, de ces caresses sur mon visage meurtri alors que j'embrasse son front d'un geste protecteur. J'inspire dans ses cheveux, m'imprègne de son odeur en tentant de me calmer. Lorsque je rouvre les yeux, j'apperçois le bouquet de fleurs blanches sur la table de nuit. La jalousie m'écrase le coeur. Il est venu, lui aussi. Cet autre qui partage sa couche et son coeur. Il est venu avant moi. Je serre les dents, retenant de peu la remarque acérée qui menace de passer mes lèvres en tentant d'écraser ce sentiment qui m'enferme d'un coup. C'est finalement son regard, rempli d'inquiétude, qui me tire de mon malaise alors que je repose mes yeux sur elle.

« J'étais au Purple lors des attentats. »

Les blessures qui couvrent mon corps le prouvent d'elles-mêmes, même si je n'ai pas croisé un miroir depuis. Je devine les marques qui tapissent mon visage sous le regard qu'elle me lance.

« Ce n'est rien, ne t'en fais pas. »

J'avais eu de la chance. Beaucoup de chance. Quelques côtes cassées, mon bras salement amochés, d'importantes coupures sur le reste de mon corps, mais j'étais vivant. Et je tenais debout, malgré que mon corps réclamait sans cesse un repos que je ne lui offrais pas. Lentement, mon front se posa contre le sien, alors que mes doigts frôlaient sa mâchoire.

« Bon sang, si il t'était arrivé quelque chose, je... »

Je pinçais les lèvres, incapable d'en dire plus. Imaginer revivre ce que j'avais vécu avec Eze était au dessus de mes forces. Je serais incapable de passer au dessus de ça. Incapable de la perdre. Guidé par mon coeur battant la chamade, je lui volais un baiser, emplit de tout l'amour qui vibrait pour elle dans mon torse. Me refait jamais une frayeur pareille.

Aussitôt mon aveu formulé, je vois l'inquiétude se décupler sur ses traits. Tout comme moi, je peux ressentir cette frayeur horrible dans son regard, celle d'avoir pu me perdre, lors de ses catastrophes qui ont secouées la ville entière. Savoir qu'elle s'inquiète de mon sort me fait un bien fou, bien que je ne veux pas qu'elle le fasse outre mesure. Après tout, elle sait que ce genre de choses m'arrive souvent, qu'il n'est pas rare que des blessures couvrent mon corps, mais heureusement, jamais encore elle n'en avait été spectatrice.

« Je vais bien, je t'assure. »

Je lui rend son baiser, lâchant un soupir rassuré contre sa bouche alors qu'elle m'attire plus à elle. Je fonds contre elle, n'osant pas la serrer dans mes bras, pas la toucher comme j'aimerais le faire. A la place, je me contente de caresser sa peau du bout des doigts, profitant de notre baiser langoureux avant que le manque de souffle ne me fasse m'éloigner. Sous ses mots, ma tête bouge de droite à gauche, comme pour lui prouver que ce qu'elle dit n'a aucune importance.

« Ce n'est rien. Je suis content que tu me l'aies dit. Bon sang, quand j'ai reçu ton message, j'ai vraiment cru le pire Scylla. »

Je mords ma lèvre, maitrisant les sentiments qui se pressent sur mes yeux, les rendant brillants avant de retrouver son regard. Ses mots me chahutent trop. Ce besoin de moi qu'elle exprime compresse ma gorge, me réduisant au silence. Je suis incapable de formuler mes sentiments, à quel point je ressens la même chose et que tout cela me bouleverse complètement. Alors je me contente de l'embrasser encore, pour lui prouver par mes gestes ce que je ne suis pas capable d'avouer.

« Moi aussi, je suis désolé. Je ne voulais pas que tu t'inquiètes pour moi. Je voulais juste te retrouver, prendre du repos avec toi mais... » Je déglutis, hésitant avant de poursuivre. « Je n'osais pas. »

Parce qu'il y a cet autre à présent. Parce que je me sens de trop, dans une situation comme celle-ci. Alors, m'effacer m'apparait être la meilleure solution, pour ne plus prendre le risque de la faire souffrir, pour qu'elle puisse être heureuse dans ses bras à lui.

Je regrette mes mots à peine après les avoir prononcé. La réaction de Scylla ne se fait pas attendre. Mon regard se fond dans le sien alors que je pince les lèvres, laissant un sourire confus percer sur mes joues. C'est stupide, d'agir comme je le fais. C'est stupide, mais pourtant je ne peux pas m'en empêcher. Je deviens incapable de tenir son regard plus longtemps, irrémédiablement attiré par le foutu bouquet de fleurs qui semble me narguer.

« C'est... »

Je quitte le bouquet pour tenter de retrouver une contenance et me reprendre. Je m'en veux, d'être comme ça, de me sentir jaloux de lui et de ne plus savoir comment agir correctement avec elle. Fut une époque, je me serais rué chez elle le soir même de l'attentat, pour panser mes plaies et trouver la chaleur de ses bras rassurants. Mais je ne l'ai pas fait. Ce soir là, je n'ai pas réussi à me convaincre que c'était la chose à faire. Je n'ai pas pu m'empêcher de l'imaginer dans ses bras, à sans doute passer une merveilleuse soirée en sa compagnie. Apprendre maintenant qu'elle était ici, avec lui, n'apaise absolument pas mon ressenti.

« C'est stupide. Vraiment... »

C'est à croire que les mots refusent de passer mes lèvres. Je refuse d'avouer ce qui me perturbe autant. De mettre des paroles sur tout ça. Et pourtant, je lui ai promis de ne plus mentir. Ma bouche fini par s'ouvrir à nouveau, alors qu'un soupire me transporte.

« Je me suis dis que... Tu devais être avec lui. Je ne voulais pas m'imposer entre vous. Je ne voulais pas prendre le risque de te faire souffrir. J'ai préféré juste... M'effacer. »

Et attendre qu'elle m'appelle d'elle-même. Soigner mes plaies dans mon coin, à la planque, sans l'aide de personne sauf celle de Jade, à coup de clopes et d'une bonne bouteille. Et ça avait fonctionné. Plus ou moins.

Enfin, j'avoue, presque honteux. Je sais que je ne devrais pas penser comme ça. Ni réagir comme ça. Après tout, c'est moi qui l'ai voulu, c'est moi qui l'ai accepté, lorsqu'elle m'a avoué sa relation avec cet homme. Pourtant je ne peux pas m'en empêcher. Sans doute mettrais-je un peu de temps pour m'y faire. Trouver l'équilibre dans tout ça. Alors, je découvre son nom, à celui qui la hante autant que moi. C'est la première fois qu'elle le prononce à haute voix. Nikolaï. Si ma jalousie est bien présente, j'ai à présent envie d'en savoir plus sur cet homme, juste pour m'assurer que c'est un homme bien, mais je me tais, préférant juste acquiescer.

« Je sais... Je te l'ai dis, c'est stupide. Je sais que je dois arrêter de penser comme ça. Tu as raison, j'aurais dû t'appeler. »

C'est presque un murmure qui sort de mes lèvres alors que je m'exprime, avant que mes iris ne rencontrent les larmes qui menacent de rouler sur mes joues. Mes sourcils se haussent alors que mes doigts viennent tendrement effleurer sa joue.

« Eh... Ne dit pas ça. Je te l'ai dis, c'est à moi de choisir ce qui me fait souffrir. »

Mon pouce récupère une larme qui s'égare dans un coin de ses yeux, avant que mes doigts se s'accrochent à sa mâchoire pour ramener son regard vers moi.

« Laisse moi juste un peu de temps pour m'y faire, d'accord ? J'ai jamais véçu ça avant. Et je sors de longues années de célibat. » dis-je en lâchant un léger rire. « Il me faut juste du temps. Et toi. T'avoir à mes côtés. C'est tout ce dont j'ai besoin. »

Je sens mon coeur battre la chamade une nouvelle fois. Je crois qu'il n'est plus en état de savoir comment fonctionner normalement, lorsque je suis avec elle ainsi et qu'elle tente de me rassurer. J'essaie de la croire, de penser que lui et moi sommes sur le même pied d'égalité. Dans tous les cas, je ne préfére plus y penser maintenant, pas avec ce qui vient de se passer. Pas avec cette frayeur de l'avoir perdue. Je n'aspire plus qu'à rentrer pour gagner un peu de repos avec elle, comme j'aurais dû le faire il y a déjà des jours.

Alors, je fini par hocher la tête. La ramaner chez elle, à la maison, voilà qui semble bien plus intéressant plutôt que de me perdre dans une jalousie inutile. Doucement, je me détache d'elle après avoir embrasser son front comme un vrai trésor, allant chercher un fauteuil roulant un peu plus loin dans le couloir de l'hôpital. Même si je n'ai aucune idée de ses blessures, il est hors de question que je la laisse marcher dans ses longs couloirs interminables, ne serait-ce que parce qu'elle semble épuisée. Je reviens rapidement avec le fauteuil, que je place à côté du lit avec un petit sourire.

« Le carrosse de Madame est arrivé. »

Je l'installe confortablement, allant chercher les fleurs de la table de nuit pour les lui confier tandis que j'attrape son sac que je calle sur mon épaule, oubliant trop facilement mes plaies. J'ai une légère grimace qui me trahit mais elle disparait comme elle est venue, ne laissant plus qu'un sourire que je m'efforce d'avoir pour elle.

« Allons-y. »

Mes lèvres s'impriment une dernière fois sur sa tempe avant que je n'enlève les freins du fauteuil et que nous quittions la chambre sans plus tarder. Je la conduis ainsi à travers l'établissement, jusqu'à rejoigne la voiture, garée non loin sur le parking. Je la laisse s'installer sur le siège avant de me débarasser de ses roues et prendre le volant. Dans une poignée de minutes, nous y serons.

Le moteur vrombit agréablement alors que nous nous mettons en route. Les yeux rivés vers la route, j'oublie une fois encore la douleur discrète qui stagne dans mon corps. Ses dernières heures, j'ai avalé pas mal d'alcool pour faire passer ça. Beaucoup trop à mon goût. Mais ça a été efficace, assez pour endormir mes plaies et pouvoir me mouvoir presque normalement. Néanmoins, je sais que dès que j'en aurais la possibilité, lorsque mon corps comprendra qu'il est temps de se reposer, je m'endormirait en quelques minutes à peine, terrassé par tout ce qui s'est produit ses derniers jours.

« Je te porterais. Ne t'en fais pas. »

Elle est légère comme une plume, de toute façon. Je ferais tout pour la ramener chez elle et lui apporter tout ce dont elle a besoin, et ce n'est certainement pas un ascenseur en panne qui va m'en empêcher. Mon attention retombe brièvement sur elle lorsqu'elle me pose soudain sa question. Je me rappelle sans mal de cette soirée, les images s'enchainant dans mon esprit. L'odeur du feu, l'explosion, les cris agonisants, le bruit des palles de l'hélicopter tournant autour de l'immeuble, tout ça me revient en mémoire tel un coup en pleine tête. Mes yeux se ferment une longue seconde, avant que je ne les rouvre sur la route.

« Un hélicopter. Il a tiré une roquette au dernier étage de l'immeuble. Personne ne l'a vu venir. Je venais d'arriver à l'étage quand ça s'est produit. C'était... L'enfer. »

Et je ne pensais honnêtement pas m'en sortir vivant. D'autant plus lorsque l'étage du dessous s'est effondré. Je reste marqué par ce qui s'est passé là-bas, par cette scène désastreuse qui s'était étalée devant mes yeux et par mon propre comportement. J'aurais pu tuer le pilote, si je n'avais pas été aussi sonné par l'explosion. J'aurais pu épargner des vies si j'en avais eu la force. A la place, j'avais simplement écouté Marion, sans me poser la moindre question. Tout cela allait me hanter un moment.

La trace d'un sourire s'affiche sur mes lèvres alors qu'elle vient poser sa tête sur mon épaule dans un geste réconfortant. Encore maintenant, je me demandais comment est-ce que j'avais pu m'en sortir, avec l'idée tenace qu'un jour ou l'autre, ma bonne étoile finirait par m'abandonner. Mais présentement, j'étais juste heureux d'être en vie.

« Jade va bien. Elle était surtout morte d'inquiétude quand je suis rentré à la maison ce jour là. Je lui en fait vraiment voir de toutes les couleurs, à cette gamine.... Mon patron a été blessé également, mais rien de grave, heureusement. »

L'attaque au marché, je n'en savais rien. Mais ses attentats me trainaient sévèrement dans la tête. J'avais peur que cela se reproduise et à présent encore plus que ça touche à nouveau Scylla. D'un coup, tout ce cirque devenait une affaire personnelle, bien loin des petites magouilles entre gangs, loin de ce mystérieux paquet que j'avais reçu au bar. J'étais inquiet qu'il arrive quelque chose à celle que je considérais comme ma fille, tout comme j'étais mort d'inquiétude pour Scylla. Je ne voulais pas que mes proches payent pour tout ça. C'était hors de question. Alors, si je devais régler ce problème moi-même pour les protéger, je le ferais, quoi qu'il se passe.

« Ça m'inquiète, ses attentats. Ça ne me plait pas du tout. Quelque chose me dit que ça ne fait que commencer. Quelque chose se trame. Quelque chose de gros. »

Honnêtement, j'ai même pensé à lui proposer de venir vivre avec moi, le temps que toute cette merde se calme. Pour pouvoir la protéger, au cas où il arrive encore quelque chose. Qui sait de quoi ces malades sont capables, après tout ? Mais je m'efforce de faire taire cette idée, persuadé que la cartomancienne n'acceptera pas. Elle tient à sa liberté, je le sais. A son indépendance. Mais je ne peux pas m'empêcher d'y penser sérieusement.

Je hoche la tête. Jade a eu la trouille de sa vie quand je suis rentré ce jour là, une fois encore. C'est typiquement dans ce genre de moment que je me dis qu'elle serait sans doute mieux ailleurs, dans une vraie famille, avec de nouveaux parents, soudés, pour l'aimer et lui apporter tout ce don elle a besoin. Une vie d'adolescente normale, qui ne se retrouve pas à devoir recoudre les plaies de son parrain tous les quatre matins. Pourtant, je n'arrive pas à m'y résoudre. Je ne peux qu'adresser un sourire léger à Scylla lorsqu'elle se propose de garder la jeune femme chez elle, si j'en ai le besoin. Le temps que les choses se calme et que je puisse nous trouver un nouveau lieu décent à vivre. Instinctivement, ma paume vient se poser sur sa cuisse alors que je tourne légèrement la tête.

« Merci. Je n'hésiterais pas si il le faut. »

Puis, l'inquiétude prend place. Vis à vis de tous ses évènements. Mon regard retombe sur la route, puis sur le rétroviseur dans une vieille habitude, juste au cas où, avant de se poser dans le vide alors que je hoche la tête de gauche à droite en signe de négation, ma langue claquant discrètement sur mon palais.

« J'en suis sûr. Une attaque pareille, à trois endroits en même temps. C'est un avertissement. J'en suis certain. »

Quelqu'un qui a de grosses couilles, pour s'en prendre à tous le gratin de la ville et surtout, à Marion directement. Ses deux établissements simultanément, ce n'est pas un hasard, bien au contraire.

« Promet-moi de ne pas te mettre en danger en cherchant le pourquoi du comment. Ses gars ne rigolent pas. Je ne veux pas qu'il t'arrive encore malheur. »

Mes doigts se serrent naturellement sur les siens lorsqu'elle me rend mon contact. Il ne manquerait plus que ça, qu'elle tente de découvrir par elle-même tout ce qui se passe en ville et qui tire les ficelles. Qu'elle se mette en danger et que je ne puisse pas la protéger, exactement comme ce qui c'était passé durant les attentats. Quelque peu soulagé qu'elle n'ai pas cela en tête pour le moment, je laisse un discret soupir m'échapper alors que je hoche la tête. Je sais que ça la démange pourtant. Que dès qu'elle se sentira en état, elle voudra se remettre en selle et commencer à fureter, mais pour l'heure, ce n'était pas la priorité. Elle avait besoin de repos. Nous en avions besoin tous les deux.

« Bien sûr. »

Ma réponse passe mes lèvres dans un murmure sans que j'y réfléchisse vraiment. Rester avec elle, le temps de se retrouver, le temps de panser nos plaies et de calmer nos âmes meurtries. Cette nuit, demain, quelques jours même si elle m'accepte d'avoir avec elle si longtemps. Bien sûr que j'allais rester.

« Aussi longtemps que tu voudras de moi. »

Je porte sa main jusqu'à mes lèvres pour embrasser sa paume dans un baiser léger et rassurant, avant que mon attention ne se reporte sur la route. Nous sommes presques arrivés. Le temps de me garer, je m'extirpe un peu trop vite de l'habitacle, provoquant mes plaies à peine refermées en une grimace qui m'échappe. Mon corps crie au repos. Je le sens au bout de ses forces. Il est temps. Mais avant ça, nous avons les étages à monter. Et je ne doute étrangement pas du fait que l'ascenseur soit toujours en panne. J'oublie la douleur le temps de venir lui ouvrir et l'aider à sortir avant de l'inciter à monter sur mon dos pour qu'elle s'y accroche. Mes mains se glissent sous ses jambes pour la maintenir confortablement en place. Je souris en constatant une fois de plus à quel point elle est légère comme une plume.

« N'oublie pas tes fleurs. »

Je referme la voiture d'un coup de pied avant d'avancer vers l'immeuble. Comme je le pensais, l'ascenseur est toujours dans le même état. Sans attendre, je commence notre ascension dans les escaliers jusqu'à rejoindre sa porte.

Elle semble apprécier l'ascension, bien que je devine sans mal que ce ne soit pas l'idéal pour elle. La porter comme une princesse était bien trop difficile pour gravir les étages. Néanmoins nous finissons par rapidement arriver devant sa porte. Un sourire apparait de lui-même sur mes joues à ses mots, tandis que je tourne légèrement la tête à sa rencontre.

« A votre service, madame. »

Je lui offre un clin d'oeil léger avant de m'accroupir un peu, le temps qu'elle puisse nous ouvrir la porte, que je pousse finalement du pied, puis referme souplement une fois à l'intérieur. Home sweet home. Je hume le parfum qui stagne en permanence dans son appartement avec cette impression tenace de me sentir chez moi, en sécurité. Cet endroit m'apaise. Autant qu'elle au final. C'est quelque chose de rare, chez moi, que je me sente aussi bien quelque part. J'investi pleinement l'endroit en nous conduisant jusqu'au lit sans attendre, déposant la belle avec mille précautions sur le lit, retrouvant plus pleinement mon dos. L'assise est trop moelleuse pour que je ne prenne pas deux minutes pour reprendre mon souffle en restant un insatnt assis dessus, étirant mon dos en réveillant quelque peu mes plaies. Cela fait, mon regard épouse à nouveau le sien.

« Tu as besoin de quelque chose ? »

Pour ma part, une cigarette me ferait le plus grand bien. Et un peu d'alcool aussi, j'avoue, même si je refrène l'idée de toute mes forces dans un coin de ma tête. En vérité, réussir à me détendre et me mettre à l'aise maintenant que nous sommes arrivés est l'idée qui m'anime le plus à présent, si bien que je me débarrasse déjà de mes chaussures le temps qu'elle me réponde.

L'idée d'une douche est donnée. J'avoue que ce n'est pas de refus pour moi non plus. Enlever la crasse qui me colle à la peau, changer mes pansements où le sang à dû sans doute percer alors que Jade s'est donné un mal fou à ce que tout soit clean. Mais pas tout de suite.

« Va pour une douche. Laisse moi juste récupérer mon souffle et fumer une clope. »

Ma main vole dans la poche de ma veste à la recherche de mon paquet alors que je fini à peine ma phrase. Je me lève ensuite, le temps d'enlever le vêtement avec mille précautions, étirant mes muscles doucement, cigarette aux lèvres. Je ferme les paupières le temps d'encaisser la douleur, avant de l'abandonner sur une chaise à portée. Mon regard se porte naturellement sur mes plaies douloureuse, découvrant les tâches de sang à travers ma chemise blanche. Merde. J'ai trop forcé. Il fallait s'en douter. Je m'inspecte vaguement, avant d'ouvrir la fenêtre et de griller ma cigarette, récupérant un cendrier que j'ai pris la mauvaise habitude de ramener dans sa chambre les dernières fois où je suis venu. Cela fait, je reprend place à ses côtés. J'ai un léger sourire lorsqu'elle m'informe qu'elle a des cachets. Mon regard tendre ne la lâche pas alors que mes doigts viennent doucement s'égarer sur sa joue comme une plume.

« C'est gentil, mais ça va aller. J'ai surtout besoin de repos. »

En vérité, les cachets ne me font plus rien depuis longtemps. Mon corps s'est habitué aux médicaments depuis bien longtemps déjà. Il n'y a que la morphine qui est susceptible d'avoir un quelconque impact sur mon corps. Et sur mon esprit par la même occasion. Et je déteste ça. Je préfère être en pleine possession de mes moyens.