C'est principalement une question de bon sens qui ne m'a pas fait demander à Nina de venir me chercher. Le trajet vers Rikers depuis Brooklyn prend un temps dingue, je le sais pour l'avoir fait d'innombrables fois pour aller voir Dominik. C'est juste la galère, comme une seconde punition. Et puis il faudra ensuite revenir à Brooklyn. Autant ne pas attendre sur place et faire directement le trajet. En plus, c'est une façon de revenir dans le monde réel. Le bain de foule dans les transport efface les relents de prison accrochés à mon esprit.

Quand je descends, je la vois aussitôt, la retrouve suspendue à mon cou. On se fait bousculer par les gens qu'on gêne sans que je m'en soucie. Ma bouche a rejoint la sienne et je respire à nouveau. Autour de moi le monde s'efface, les gens qui râlent, le bus qui s'éloigne. Je ne dis pas un mot, seuls mes mains et ma bouche déclarent mon bonheur, mon impatience à la revoir. Mon être tout entier s'est brusquement retrouvé saturé d'endorphines et explose de joie. Je mesure à quel point j'avais peur de ne pas la retrouver, à quel point je suis heureux de le faire et surtout combien elle m'a manqué, dans mes tripes, dans ma chair et dans mon âme.

Bien sur en prison, on s'est frotté un peu rudement entre bandes rivales mais hormis quelques bleus, rien de méchant de mon côté. J'ai retrouvé Dominik et nous formons un duo bien rodé malgré les mois de séparation. Il a été facile de retrouver nos réflexes et sincèrement, le laisser seul à Rikers m'a été très dur. S'il n'y avait pas eu Nina dehors, j'aurais pu prolonger ma mission pour lui. Aller au mitard n'est vraiment pas compliqué en taule, comme j'ai pu le constater. J'y ai passé trois jours la première semaine.

Je soulève Nina pour qu'elle s'accroche à moi et on titube ainsi jusqu'à l'entrée de l'immeuble, puis l'ascenseur. Ça nous prend un temps infini où nos bouches se dévorent. Le fait qu'on traverse la place entre les immeubles, qu'on suscite l'attention et même les railleries des jeunes délinquants qui traînent me passe grave au dessus de la tête. Et il me faut bien cinq minutes pour réaliser que l'ascenseur est en panne...

Je perds le peu de conscience qu'il me reste de mon environnement, et après deux semaines où j'ai été en alerte 24/24, mon attention se retrouve focalisée entièrement sur Nina. Les italiens pourraient débarquer à moins d'un mètre de moi que je ne les calculerais pas. Ils doivent être occupés ailleurs, une chance pour moi. Au moins mon avocat ne m'a pas vendu, un bon point pour lui.

La porte claque derrière nous sans que ça me fasse sourciller, et brusquement, changement de verticalité, les ressors essoufflés du clic-clac grince sous nos poids conjugués. Si j'avais ma tête à moi, je me souviendrais comme ce sentiment d'irréalité délicieux est le même que cette fois où elle m'a sucé alors que je pensais qu'elle ne s'intéressait plus à moi. Avec Nina, c'est toujours chaud brûlant, jamais de demi-mesure.

Je fourre ma main dans son jean, le bouton sautant au passage pour me laisser un peu plus d'espace. Sa peau est trop douce, son odeur trop suave pour que je ne perde pas la tête, mais surtout ce sont ses baisers et ses mains à la recherche de ma peau qui me rendent dingue. Cet écho entre elle et moi, cette vibration commune pour laquelle je ne trouve aucun qualificatif qui soit à la hauteur. Je glisse mes mains sous son tee-shirt, avide de sa chaleur. J'exhale un son entre le gémissement et le grondement possessif quand ses seins se calent dans mes paumes. Avec une brusquerie confinant soudain à la violence, je vire mon tee-shirt puis le sien avant de venir écraser son torse contre ses seins dans le même temps que ma bouche se fracasse à nouveau sur la sienne. Affamé.