Une dernière fois, mes yeux se portent sur la cuisine. Tout est parfait. La table est mise, je l'ai décorée comme j'ai cru bon, à coup de fleurs rouges et de petits plats dans les grands. Le plat est au four, le cadeau que j'ai acheté il y a une poignée d'heures savamment caché non loin de ma place. Je soupire, heureux d'avoir fini mon oeuvre à temps. Je n'ai pas encore pris toutes mes marques dans notre nouvelle demeure, mais tout est parfait pour la venue de ma cartomancienne. Le sourire aux lèvres, je check Jade d'un message, m'assurant qu'elle est en sécurité là où elle se trouve avant de filer dans ma chambre pour me changer. Je rencontre mon reflet souriant, impatient de la revoir, comme à chaque fois. Cette fois-ci n'est pas différente des autres, au détail près qu'elle n'est encore jamais venue ici. Ça fait à peine une semaine que nous avons emménagés avec Jade. Et cette fois, je n'avais pas lésiné sur les moyens. Fini les taudis. Fini les planques. Ma princesse méritait ce qu'il y avait de mieux, peu en importait le prix. Quand à moi, je mentirais si je disais que je n'étais pas heureux de retrouver un peu de luxe dans ma vie. Ici il n'y avait pas de voisins qui gueulaient à toutes heures du jour et de la nuit, de parquet qui grince ou de simple vitrage. Juste le plaisir d'une maison bien entretenue et décorée comme il se devait. Une maison digne de ce nom, finalement.

Une dernière fois, j'ajustais mon blazer sur mon torse avant d'attraper mes clés et mon portable, direction mon ancien quartier. Je me garais juste devant l'immeuble, descendant rapidement pour remonter les escaliers d'un pas rapide et ferme jusqu'à sa porte où je donnais trois coups, les yeux rivés sur ma montre. Pile à l'heure. La soirée s'annonçait des plus agréables.

La porte s'ouvre sur la silhouette de la jeune femme. Je la découvre dans une robe blanche qui souligne magnifiquement ses formes, un sourire rayonnant étirant ses jolies lèvres. Il suffit de ça, mêlé à la délicieuse appréhension de la retrouver après tout ce temps, pour que mon coeur semble reprendre vie dans ma poitrine.

« Hey.. »

Je ne lui laisse pas le temps de me répondre. Je fonds sur elle, armé de mon sourire en parfait miroir au sien, bien que plus discret. Mes lèvres échoues fermement sur les siennes, m'imbibant de son goût sucré qui m'a tant manqué. Ma main glisse déjà à sa rencontre, sur sa hanche, avant que je ne la relâche.

« Tu es magnifque. Cette robe te va à ravir. »

Mes yeux échouent sur ses oreilles, qu'elle a prit le temps de décorer. Je suis flatée, elle qui porte rarement des bijoux. J'en effleure une d'un doigt, avant de me rétracter.

« C'est nouveau ? Elles te vont bien. »

Comme à mon habitude, je la bombarde de compliments, je ne peux tout simplement pas m'en empêcher, c'est plus fort que moi.

« Prête ? Votre carosse vous attends mademoiselle. »

Tel le gentleman que je suis, je lui offre déjà mon bras, l'invitant à me suivre sans attendre.

Un léger sourire reste imprimé sur mes lèvres alors qu'elle s'accroche à mon bras jusqu'à la voiture. Mon regard se glisse à sa rencontre dès que je le peux, ne me lassant pas de l'admirer. Ses cheveux natés mettent en valeur ses boucles d'oreilles, ce petit détail à le don de me faire chavirer à lui tout seul. Je fini par prendre place à mon tour. Mon regard retourne se figer dans le sien sous son aveu. Je lui rends son sourire, me penchant à sa rencontre pour lui voler un baiser.

« Toi aussi, tu m'as manqué. »

Je souris tout contre ses lèvres avant de me remettre à ma place, m'emparant de sa main pour l'embrasser avant de mettre le contact. Mon sourire s'étire légèrement à sa question.

« Chez moi. »

Sans attendre, je démarre le moteur, en route pour la maison. Les rues défilent à l'image du ciel qui nous offre bientôt un ravissant couché de soleil. Les buildings finissent par laisser place à un paysage plus dégagé, plus rural. Les petites rues s'enchainent, jusqu'à ce qu'au bout d'un chemin, la demeure se dessine derrière une multitude de buissons. Le portail s'ouvre à l'instant où nous arrivons, découvrant le jardin précédant la maison. Une multitudes de fleurs multicolores s'étendent sur l'herbe le long d'un chemin de gravillons. La splendeur de la propriété se dévoile. Mon regard repose sur la demoiselle qui sort de la voiture, impatient de lire sa réaction sur ses traits.

« Bienvenue chez moi. »

La portière claque. Je récupère son bras dans un sourire chaleureux, excité à l'idée de lui faire visiter l'endroit. Je l'entraine sur les marches menant jusqu'à la porte avant de déverrouiller puis de m'écarter, la laissant passer devant.

« J'ai emménagé il y a quelques jours. Je voulais te faire la surprise. Qu'est-ce que tu en penses ? »

Sa réaction ne se fait pas attendre. Je demeure incapable de décrocher son regard alors qu'elle commente déjà l'extérieur, avant même que nous n'ayons passé la porte.

« J'ai fais appel à une société pour le déménagement, je n'ai rien eu à faire, ou presque. Et puis je préférais te présenter la maison une fois terminée. »

Car oui, entre le temps où j'avais trouvé la maison, l'achat et les quelques travaux qui avaient été opéré, cela faisait déjà des semaines que le déménagement tardait. A présent, tout était parfait, exactement comme je le souhaitais pour moi et Jade. Je souris, galvanisé par sa curiosité soudaine. J'aime la voix ainsi, aussi excitée que moi à l'idée de cette nouvelle maison.

« C'est un achat. J'ai eu l'info par un bon ami à moi. Une maison dans ce quartier, ce n'était pas facile à dénicher. Elle avait tout ce que je recherchais. J'ai fais faire quelques travaux pour l'améliorer et à présent, elle est parfaite. »

Je l'entrainais au delà du hall vers le premier salon, avant de l'inviter dans les étages, évitant soigneusement la cuisine et la salle à manger pour le moment.

« La maison est énorme en vérité. Quatre chambres avec salles de bain, dressings, salle de sport, bureau, deux salons, cuisine, salle à manger, cave, garage et une bibliothèque attenante à la chambre de Jade. »

Je poursuivais la visite, passant de salle en salle, lui présentant l'entièreté de la demeure sans me départir de mon sourire.

« Je me suis fais un petit plaisir. J'ai fais construire une salle d'armes, attenante à un bunker. J'ai enfin pu ranger mon matériel comme il se devait. Peu importe ce qui arrive, cet endroit est imprenable. »

Et j'y tenais. Depuis les attentats, la peur de la perdre, celle de perdre Jade, je voulais me tenir paré à toutes éventualités, au delà même du fait que j'avais pris mon pied à faire construire cette salle comme j'en rêvais depuis gosse. Je fini par nous ramener au rez-de-chaussée, cette fois pour l'amener jusqu'à l'arrière de la maison. La piscine se découvrait, suivi d'une magnifique vue sur la ville, un horizon peint aux couleurs chaudes de la fin de journée.

« Ce qui m'a fait craquer ? J'avoue que c'est la vue. Et le jacuzzi qui va avec. »

Un léger rire me secoua avant que je n'ouvre la porte de la terrasse menant à l'extérieur, la laissant admirer le coucher de soleil. Mon sourire ne s'était pas envolé, comme vissé à mes joues alors que mon regard portais sur elle. Mes doigts glissèrent machinalement dans ma poche à la recherche d'un paquet de cigarettes dont je m'emparais pour me permettre une cigarette.

« Je suis content. Jade à un bon cadre de vie à présent. Nous allons pouvoir tourner la page sur toute cette merde que je lui ai fais vivre. »

Je grillais le tableau en m'appuyant un peu contre le chambranle juste derrière moi. Ma première bouféé se mêla à un soupir de contentement que je ne retenais pas. On était loin de l'appartement miteux de Browsnville, c'était certain.

J'ai un sourire à sa remarque sur le nombre de chambre. Je comprends sa surprise, j'avoue que j'ai été sans doute un peu trop gourmand. Mais on ne savait jamais ce qui pouvait se passer dans une vie. Il suffisait parfois de peu. Une soirée trop arrosée avec des amis, Jade qui décide d'adopter une floppée d'animaux, je préférais en avoir trop que pas assez. Aussi, je fini par hausser les épaules.

« On ne sait jamais. »

Et puis, sans vouloir réellement l'avouer, c'était aussi pour elle, que j'avais pris une chambre en plus. Au cas où elle ai l'envie de quitter son appartement, le temps de quelques jours. Si elle se retrouve en difficulté ou qu'elle ne supporte plus ma présence. Qu'elle puisse garder son intimité, loin de moi, même dans ma propre maison. Mais ça, je me garde bien de le lui dire. Il y a un temps pour chaque chose.

Mon regard se perd sur sa silhouette découvrant la vue. Je ne décroche pas de ce que j'ai sous les yeux. Son corps prisonnier de sa robe blanche, ses longs cheveux coiffés qui lui tombe magnifiquement dans la nuque, et son visage, tourné vers le soleil couchant. Je grave l'image dans ma mémoire en tirant sur la tige. C'est le genre de petit plaisir qui me fait me sentir bien et vivant. Le genre que j'aimerais ne jamais oublier.

Puis, c'est finalement son regard qui m'attire à elle. Je me décolle doucement du chambranle de porte pour m'approcher, grillant la dernière bouffée du cancer avant de m'en débarasser juste avant que j'arrive à sa hauteur. Mes mains s'invitent sur sa taille, que j'entoure avec tendresse. Mon nez se glisse dans ses cheveux, humant l'odeur sucré de son shampoing. Je les embrasse, avant de resserrer légèrement ma prise sur elle.

« Je suis heureux que ça te plaise aussi. Sens toi libre de venir quand tu le veux, autant que tu le veux. »

Mes bras se serrent autour d'elle alors que j'emplis mes poumons de son odeur. Elle m'a manquée. Ça fait des semaines, qu'on a pas vraiment eu le temps de se voir comme il se devait. Alors l'avoir dans mes bras, là, tout de suite, me faisais un bien fou. Mes muscles se détendirent enfin, juste avant qu'un franc sourire n'émerge sur mes lèvres à sa remarque sur la cuisine. A son contact, je revenais un peu plus le mec normal qu'elle avait toujours connu, pas le mercenaire miliardaire, portant la mort aussi facilement qu'un masque fermé devenu habituel.

Je ne réponds néanmoins rien, laisse mes gestes parler à ma place. Doucement, je m'éloigne d'elle, glissant ma main jusqu'à la sienne pour emprisonner ses doigts et la tirer vers la pièce que je gardais jalousement hors de sa vue. Je l'entraine à ma suite, ne la lâchant par du regard jusqu'à me permettre de poser mes doigts sur ses yeux, offrant une surprise que j'espérais à la hauteur de la soirée. Lentement, je la guidais jusqu'à la table de la salle à manger, où était déposé toute la décoration que j'avais pris soin de soigner. Enfin, je retirais mes doigts, lui laissant le loisir de la découverte.

« Tadam. »

Je susurrais à son oreille, avant de poser un délicat baiser sur sa nuque à peine dévoilée.

Elle joue le jeu jusqu'au bout, si bien que j'ai le plaisir de découvrir sa réaction sur son visage. Mon sourire s'éclaire alors qu'elle se retourne pour mieux se glisser à nouveau dans mes bras, m'offrant ses lèvres à la place de ses mots. Je frissonne contre elle, laissant mes mains se perdrent dans son dos pour la serrer entre mes bras alors que ma langue se noue à la sienne. Ça fait bien trop longtemps que nous ne nous sommes pas vu, trop longtemps que le goût de ses lèvres me manque atrocement. C'est seulement lorsque nous sommes à bout de souffle, que mon sourire réapparait sous ses mots.

« Ravi que ça te plaise. »

Mon coeur tambourine comme un fou dans ma poitrine, si bien que je me laisse porté ce qu'il m'inspire, la soulevant telle une plume entre mes bras en reprenant ses lèvres de plus bel, pour ne la déposer que plus loin dans la cuisine, sur le plan de travail. C'est seulement lorsqu'elle est installée que je conscens à lui rendre ses lippes, restant un moment entre ses jambes que je me plaisais à caresser du bout des doigts.

« Tu m'as manqué. »

Même si je l'ai déjà dit, peu importe. Je fini par l'abandonner là pour me défaire de ma veste, laissant apparaitre ma chemise dont je remonte les manches.

« Un peu de vin ? » dis-je en allant chercher les deux coupes qui trônaient sur la table pour nous servir.

Sans me départir de mon sourire,  j'évoluais dans la pièce à la recherche de la bouteille que j'avais préparé pour nous servir, apportant son verre à mon invitée avant de trinquer avec elle.

« Des rouleaux de chou farcis. » dis-je avant de goûter le vin. « Golubtsy ? » dis-je dans un accent extrêmement mauvais. « Je crois que c'est comme ça que ça s'appelle non ? »

Un plat typiquement Ukrainien, que j'avais découvert par l'envie de lui faire plaisir ce soir. Je déposais mon verre à ses côtés avant de me glisser jusqu'au four, où j'avais laissé le plat pendant plus d'une heure.

« J'espère que j'ai bien fait ça. C'est une première pour moi. »

Je m'assurais de la cuisson avant de revenir vers elle, me glissant à nouveau entre ses jambes. Mes doigts glissèrent sur sa peau, disposant de douces caresses sur ses cuisses.

« Si j'ai raté mon coup, on pourra toujours commander à manger. »

Mon sourire s'élargit avant que je ne lui vole ses lèvres tendrement, mes doigts librent échouant le long de sa machoire.

« Si mademoiselle veut bien se mettre à table. »

Le baiser qu'elle m'offre alors que je l'embrasse ravive mon coeur à nouveau. Il pulse dans ma poitrine, ressentant tout l'impact des sentiments de la jeune femme. Je suis heureux de lui offrir ça, de réussir à lui faire autant plaisir avec des petites choses aussi simples. Mes doigts se glissent plus franchement sur elle, enlaçant sa taille, la serrant contre mon buste jusqu'à finir par reprendre mon souffle.

« J'avais envie de te faire plaisir. »

Parce que je n'avais pas souvent l'occasion de le faire, au final. Lui prouver mes sentiments, au delà du simple aspect charnel, au delà même de nos baisers enflammés et des mots qui ne suffisaient sans doute pas ou plus. Les petites attentions, les cadeaux, j'avais envie de l'en couvrir à la hauteur de mon amour pour elle. Je lui rendis son sourire, mais plutôt que de m'écarter pour la laisser descendre, je l'embrassais encore, avec la même force que notre précédent baiser. A bout de souffle, mon nez s'imprima tendrement contre le sien.

« Je t'aime. »murmurais-je tout contre ses lippes.

Je fini par m'écarter d'elle après un dernier baiser voler, lui offrant ma main pour l'aider à descendre. Je l'amenais jusqu'à la table où je récupérais les assiettes avant de retourner en cuisine pour servir le plat. Je coupais le four avant de servir, décorant le plat de quelques herbes puis revins à la table pour m'installer à mon tour.

« Bon appétit. »

Je n'attendais rien en retour de mes mots. Rien de plus que le sourire qu'elle m'offrait avant de rejoindre la table. Je la rejoignais sans attendre une poignée de secondes plus tard, lui souhaitant bon appétit avant d'accorder pleinement mon attention au plat devant moi. Je lui offre un petit sourire avant de m'emparer de ma fourchette, attaquant mon assiette. Pas mal, pour une première. Je me plonge dans mes pensées, critique par rapport à mon oeuvre lorsque la course de mon cerveau s'arrête brusquement, au moment même où j'ouvre la bouche pour prendre une nouvelle bouchée. J'ai une seconde de latence en tentant de comprendre pleinement ce qu'elle vient de me dire. Nikolaï ? Est-ce que j'ai bien compris ? Je fini par reposer ma part, franchement surpris et complètement largué.

« Tu... Pourquoi ? »

Les choses qui sortent de ma bouche ne sont pas très cohérentes, à l'image de ce qui tourne dans ma tête. Je ne comprends pas. Je me rappelle sans mal du moment que j'avais passé avec cet autre homme, qui partageait sa couche et dont j'avais été jaloux un moment. Je fronçais les sourcils. Rencontrer ce gars avait fait s'envoler ma jalousie et ma possessivité à son égard. Au final, nous n'avions rien en commun et j'avais compris pourquoi est-ce qu'elle en était tombé amoureuse, tout comme j'avais bien vu à la manière de Nikolaï de parler d'elle que les sentiments de la jeune femme étaient réciproques.

« Je ne comprends pas. Je... Enfin, vous aviez l'air tellement.. Amoureux. J'avoue que je suis très surpris. »

Je prenais ma serviette, essuyait le contour de ma bouche avant d'attraper mon verre.

« Ce n'est pas à cause de moi, n'est-ce pas ? Tu veux que j'aille lui parler ? »

Si c'était ma faute, si c'était à cause de notre rencontre, je pourrais peut-être arranger les choses. Evidemment, la nouvelle de leur séparation me réjouissait dans un sens, mais j'étais surtout peiné pour elle. Je n'avais jamais voulu m'interposer entre eux. Je voulais qu'elle soit heureuse avant tout. Si cela devait être dans des bras différents en fonction de ses envies, j'étais prêt à l'accepter, tout comme elle acceptait encore à demi-mot ma relation étrange avec Eze. Je ne voulais pas qu'elle souffre. Je voulais que tout ce passe bien et pensait sincèrement que c'était le cas depuis ma rencontre avec le russe.