Jour de la Russie - 12 Juin 2020 - 20h

L'effervescence était déjà là quand j'arrivais au QG de la Bratva. Comme convenu, je ne passais pas par le casino, mais bien par l'entrée arrière que j'avais appris à connaitre. Je restais un instant saisit, intimidé parce qu'il y avait beaucoup de personnes que je ne connaissais pas mais eux me connaissaient visiblement puisqu'on ne chercha pas de noises quand je me présentait à l'entrée. Quand Maggy avait parlé d'une petite fête, je ne m'attendais pas à ça. Je n'avais pas réalisé qu'il y avait autant de membres. Je crois que j'avais refusé assez naïvement de me poser la question, préférant imaginer qu'on était à peine plus que lors de ma première vraie mission - pour récupérer le chargement auprès des italiens. Et puis Vassili me happa et après m'avoir mis un verre entre les mains, me présenta à plusieurs personnes. Il y avait là l'homme que j'avais soigné il y a plusieurs semaines de ça et je m'enquis de sa santé. Ce qu'il y avait d'agréable, c'était d'être entouré de gens parlant tous russes et je me surpris à sourire en écoutant des anecdotes amusantes sur leurs missions et blessures de guerre. Je me crus reparti en arrière au temps de l'armée.

C'est juste un peu plus tard que Maggy nous rejoignit et une agitation amicale se fit dans les rangs quand les hommes déjà passablement chargés d'alcool - sans être vraiment éméchés, ils semblaient avoir une grande tolérance à l'alcool - lui demandèrent bruyamment un discours, comme le voulait la tradition en ce jour de fête nationale. Je souris par devers moi, amusé qu'une italienne doive faire ce discours, mais beaucoup - je ne dirais pas tous - la considéraient comme russe parce qu'elle était leur chef.

Le discours de Maggy se révèle aussi simple qu'il doit l'être pour la tripotée d'hommes de main russes venus là pour fêter un jour important à leurs yeux. Un jour important resserrant leurs liens autour de leur identité nationale commune. Ils ont juste besoin de décompresser, s'amuser et sentir qu'ils font partie du même groupe, au delà du business, en tout cas c'est comme ça que je le ressens à les observer. Je ne suis pas là depuis longtemps et je me sens sans doute encore plus russe qu'aucun d'entre eux, mais je n'ai pas encore comme eux la nostalgie de mon pays. En tout cas, elle n'est pas si forte, sans doute aussi à cause de la façon dont j'ai quitté la Russie. Pour le moment, tout est neuf ici, et puis c'est comme si je m'éveillais d'un long rêve.

Je suis perdu dans mes pensées quand je me retrouve avec un second verre alors que j'ai à peine touché - juste une gorgée pour le toast - à celui que Vassili m'a donné. Je ne suis pas un bon russe. Je ne suis pas très porté sur l'alcool. Mes vices sont autres. Je souris pourtant à Maggy qui vient de me le donner. Je lève un de mes verres pour la saluer et avaler la vodka froide et sèche qui me brule la gorge. Je toussote un peu, grimace avant de hocher la tête "oui, il m'a présenté. Ils sont tous très accueillants." Je n'ai pas eu de difficulté à rester avec eux, chacun a voulu me raconter une histoire de la Bratva et surtout, avoir soigné l'un d'entre eux a beaucoup facilité mon intégration. "Ils travaillent tous pour toi. Je ne pensais pas que tu avais autant d'hommes à tes ordres. Je crois que je n'avais pas trop compris à quel point la Bratva était implantée ici à NY, au milieu de tous ces américains." Je souris parce que si c'est vrai, j'exagère un peu par humour discret. Je demande avec franchise, parce que tout ça m'intrigue au fond mais que je ne veux pas outrepasser mes jeunes fonctions "Est-ce que je suis trop récent pour savoir ce que vous faites comme business ?"

J'ignore le regard de Vassili, ça m'est égal de ne pas tenir ni même trop aimer l'alcool. En fait, le fait que le russe comme la plupart de mes compatriotes mettent leur virilité dans ce détail me ferait plutôt sourire. Et puis j'ai l'habitude de ne pas être conforme et les regards de jugement ne me touchent plus depuis des années.

Je me laisse entrainer par Maggy, rendu docile par le contact de sa main qui m'a surpris et rendu muet. Globalement, je sais bien dans quoi je mets les pieds, j'ai déjà eu un petit aperçu et puis en tant que Russe, le mot Bratva raisonne inévitablement. Mais ici à NY, je me demande ce que sont leurs activités, il en existe tant et je ne suis pas sur qu'ils se soient lancés sur tous les fronts si loin du pays. Je cligne des yeux, surpris par deux points, le commerce d’œuvres d'art et le mercenariat. La drogue, la vente d'armes, la fourniture de protection forcée (entendez par la là le rackett) est le domaine de prédilection de la Bratva à St Petersbourg, mais ici, la branche s'est diversifiée vers des domaines plus subtils si je puis dire ! Je hoche la tête pour signifier que j'ai compris, mais je ne me risquerais pas à commenter.

Je n'ai décidément pas pensé que cette organisation dure depuis bien longtemps et qu'avant elle, quelqu'un a pris des décisions qui impactent encore l'organisation bien huilée que j'ai sous les yeux. C'est assez amusant d'imaginer la Bratva à la réputation de russes peu finauds s'occuper de trafic d'art. la plupart - moi compris - ne doivent pas savoir reconnaître une croûte d'un tableau valant des millions. "Toi, tu t'y connais en Art ?"

A la question du mercenariat, je ne réponds pas immédiatement. Je ne suis ici que pour Maggy. Parce que c'est quelqu'un que je respecte et que j'estime avoir une dette envers elle. Bien sur je ne vais pas nier que l'argent que la Bratva me donne pour les quelques missions que j'ai fait est appréciable mais ce n'est clairement pas pour ça que je reste avec eux. C'est d'une part pour la protection que m'apporte l'organisation et surtout pour Maggy et un sens de l'honneur sans doute désuet. Aussi travailler pour d'autres, même si c'est en lien pour la Bratva demande réflexion. "Ok, je comprends. Ca ne me dérange pas de soigner d'autres personnes que nos camarades, médecin-mercenaire pourquoi pas. Mais je ne ferais pas de missions comme l'autre jour si ce n'est pour toi. Je ne tuerais personne si ce n'est en mission pour toi." Dès le départ j'ai été très franc avec elle sur ce que je ferais ou non et elle me l'a d'ailleurs demandé toujours très honnêtement. Autant continuer sur cette ligne de conduite qui est de toute façon la mienne.