Ses doigts tapotant nerveusement la table, Keith laissa son regard glisser autour de lui. Yuki avait raison, le bar était sympa. Si les photos qu’avait pris la jeune femme à la soirée d’ouverture n’avaient pas tout à fait suffit à le convaincre, le nom de l’établissement avait définitivement achevé le travail. Bar-bar. Un nom absurde ; totalement son truc. Et puis, East New-York, c’était théoriquement le coin de Charlie. S’ils finissaient la soirée ensemble, ils étaient plus près de chez elle. Dans le cas inverse, ça évitait toujours à la brune de se taper la moitié de la ville en métro, seule, au milieu de la nuit. Keith aimait Brooklyn, mais il avait arrêté de lui accorder sa confiance depuis longtemps.
Pour ce qui devait être la dixième fois depuis qu’il était arrivé, quelqu’un entra, lui faisant tourner la tête - mais pour ce qui devait être la dixième fois, ce n’était pas elle. C’était le prix à payer, quand on était toujours en avance. A moins que l’heure du rendez-vous n'ait déjà été dépassée ? Il n’avait pas de téléphone pour le vérifier, bien obligé de rendre son bien à Yuki. Si elle avait changé d’avis, eu un empêchement, il ne le saurait qu’en rentrant.
C’était son premier rencard en trois ans ; son premier-premier en quatre ans. Il était un peu stressé, il fallait l’admettre. Il était allé sur l’application dans l’idée de trouver un simple plan cul, tout ce qu’il s’autorisait tant qu’il était en conditionnelle, mais il avait vraiment eu un bon feeling avec elle. Ça lui avait fait du bien, à Keith, de parler à quelqu’un. Quelqu’un de nouveau. Il n’avait pas fait ça depuis des années. Mais il avait fallu que ça tombe sur la petite sœur du cadavre. Marion Marshall. Il n’avait jamais eu d’ennuis avec lui personnellement, mais il connaissait assez de types qui en avaient eu pour ne pas avoir envie de s’y frotter. Son instinct de survie l’avait supplié de laisser tomber le rendez-vous. Il voulait rester loin des problèmes, pas les attirer dans son lit. Mais une autre part de lui avait voulu prendre le risque. Déjà, les idées rétrogrades du genre “un homme doit se mêler de la sexualité des femmes de sa famille” le gavaient au plus haut point. Ensuite, ses prochains matchs ne lui plairaient jamais autant, et il le savait très bien. Et puis, si ça se trouvait, c'était de Charlie qu'il fallait s'inquiéter, pas de Marion. Rien ne prouvait qu'elle était ce qu'elle disait, ni qu'elle était saine d'esprit. Peut-être qu'elle étranglait des chatons. Peut-être qu'elle buvait le lait directement à la bouteille. Peut-être qu'elle avait patiemment attendu sa prochaine victime sur Meet Me et qu'elle pensait enfin passer au stade supérieur ce soir. Secouant la tête pour chasser ses idées débiles, Keith s'enfonça un peu plus dans sa chaise. Quoi qu'il arrivait, la soirée risquait d'être intéressante.
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Charlie Marshall
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Lun 11 Mai - 21:45
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Keith Turner
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Sam 18 Juil - 20:06
You think that you're so dull and drap But baby girl you shine
Rien pendant un certain temps. Juste le bruit des verres qui s’entrechoquaient, des rires lointains qui s’amusaient sans lui, des conversations étouffées. Et puis, soudainement, une voix douce, chaude, résonna derrière lui. Turner tourna la tête dans sa direction, et un sourire vint éclairer son visage. Elle était jolie, au moins autant que sur ses photos. Et puis, au-delà du physique, son style lui plaisait. C'était bon signe. C'était toujours bon signe. « Salut... » Il la regarda poser ses affaires et s’installer face à lui, un soulagement grandissant dans sa poitrine à mesure qu’il réalisait que sa crainte principale n’était pas fondée : Charlie n’était pas fake. On pouvait être belle et traîner sur des applications de rencontres en anonyme. Dans ta face, Lyes. La réflexion de la jeune-femme lui arracha un petit rire. « Attends, tu dis ça parce que tu m’as pas encore vu vêtu de mon plus beau marcel ! » plaisanta-t-il, content d’avoir si vite l’occasion de faire le lien avec les échanges qu’ils avaient eu un peu plus tôt. Mieux valait rester dans la même lignée quitte à risquer de devenir un peu lourd, plutôt que d’agir comme deux inconnus qui ne trouvent rien à se dire… Non ? « T’as pas eu trop de mal à garer ton camion ? » Maintenant qu’il insistait, il n’en était plus trop sûr, en fait. Ce n’était pas comme s’il n’avait pas eu l’occasion de tester ses compétences en drague depuis quatre ans. Ses compétences sociales tout court, en fait, si on oubliait les soixante bonhommes avec qui il avait partagé son quotidien ces trois dernières années. Le voyant installé probablement depuis un moment, elle s’inquiéta d’être en retard. Le regard de Keith glissa sur le téléphone abîmé de la jeune femme, qui sembla confirmer qu’elle était à l’heure, avant de se relever vers elle. « Non t’en fais pas, c’est moi qui suis souvent en avance. » Sans doute l’un des derniers point sur lequel on pouvait reconnaître l’influence de son géniteur. Ancien militaire, il avait été assez stricte, dans son enfance. Jusqu’à ce que le syndrome de stress post traumatique fasse de lui la sous-merde uxoricide qu’il était. Keith était donc peut-être désordonné, impulsif, délinquant notoire, mais il était au moins ponctuel. Sans doute trop pour son propre bien. « Ça va bien, et toi ? » répondit-il, cherchant à soutenir un regard émeraude qui le fuyait. Peut-être que finalement, il ne lui plaisait pas et qu’elle regrettait d’être là. Ou peut-être que c’était l’inverse et que comme lui, elle était juste un peu stressée. Décidant de s’accrocher plutôt à cette hypothèse, il lui fit glisser la carte des boissons. « T’as envie de quoi ? Je vais aller commander. »
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Spoiler:
Pardooon pour le délai de réponse
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Charlie Marshall
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Mar 28 Juil - 10:08
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Keith Turner
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Sam 19 Sep - 19:41
You think that you're so dull and drap But baby girl you shine
La jeune femme rit à sa blague du marcel, et Keith commença doucement à se détendre. Ok, donc à priori, même après trois ans de taule, il n’était pas si rouillé que ça pour les interactions sociales - pas plus qu’il ne l’était déjà avant, en tout cas. Quand on était d’un naturel plutôt silencieux, l’exercice de la drague était difficile. Se faire des amis, tout simplement, aussi. Alors, faire rire son rencard, même si c’était peut-être simplement parce qu’elle était un peu trop bon public ou un peu trop polie, c’était déjà une petite victoire à ses yeux. « Je note, pas de marcel avec toi, alors. » Il avait dit ça pour plaisanter, mais maintenant qu’il y pensait, il en avait peut-être vraiment deux ou trois, dans le carton qui lui servait d'armoire - jugez-le si vous voulez, mais il s’était pas fait chier à la salle pour ne jamais rien montrer. Il allait falloir faire gaffe à ne pas les mettre avec elle à un prochain rendez-vous. Enfin, en admettant qu’elle soit partante pour d’autres rendez-vous.
Un sourire ancré aux lèvres, il se retourna, jetant un regard au vélo garé devant la vitrine et devinant qu’il appartenait à la jeune femme. « Ah oui, je vois, beau bolide », commenta-t-il, amusé. Une part de lui ne pu s’empêcher de trouver ça mauvais signe, pourtant. On prenait rarement son vélo quand on avait l’intention de rentrer avec quelqu’un, si ? « Attends, on a pas encore fait le concours de défauts », rectifia-t-il quand elle dit être rassurée qu’il ait l’air normal. Il avait toujours l’intention de se servir de ce petit jeu pour faire son coming out d’ex taulard, avant qu’ils s’engagent dans quoi que ce soit. Peut-être qu’il arrêterait quand ça lui aurait fait foirer trop de rencards, mais pour l’instant il avait envie de jouer cartes sur tables. Et puis, c'était la petite sœur du Cadavre. Il ne prenait sans doute pas trop de risques à le lui avouer - seul avantage qu'il voyait à ce qu'elle ait un frère violent, dangereux et probablement sociopathe.
Le tatoué tendit le menu à Charlie, proposant d’aller passer commande pour tous les deux. A sa surprise, elle demanda un coca. Peut-être qu’elle ne faisait que pour garder l’esprit clair, peut-être même que ça voulait dire qu’elle se méfiait de lui - mais là, tout de suite, il s’en foutait, trop soulagé de savoir qu’il n’aurait probablement pas à justifier sa propre abstinence. « Un coca, répéta-t-il en se levant, ça roule ! » Il avait ponctué sa phrase d’un claquement de phalanges sur le bois de la table, comme s'il venait de prendre la commande de n'importe quel client. Quelques jours à peine derrière un bar avaient suffis à commencer à laisser des marques, visiblement. Attendant leur commande au comptoir, Turner tenta de faire le point sur la situation. Jusque-là, ça se passait bien. Il fallait juste que ça continue comme ça deux ou trois heures, et ils auraient au minimum passé une soirée sympa. Ca pouvait le faire, il pouvait gérer ça. Le feeling passait bien, y avait pas de raison.
Il revint s’asseoir face à elle, posant leurs deux verres de coca sur la table, avant de rire à sa question. « Haha, en général j’évite de ramener plus mignon que moi à un premier rencard avec une fille » répondit-il. C’était pas tout à fait vrai, Dave Growl étant un vrai aimant à nanas, et même s’l pouvait effectivement lui ravir toute l’attention, il était tellement adorable que son humain le lui pardonnait volontiers. Heureusement que l’humain en question n’avait pas de téléphone, d’ailleurs, parce qu’il se serait déjà lancé dans de longues minutes à lui montrer des photos du chien prises sous tous les angles et à des moments objectivement inintéressants. « Tu vas être obligée d’accepter un deuxième rendez-vous pour le voir, je mise toute ma réussite sur cette astuce », ajouta-t-il, faussement sérieux. Il se tut un instant, observant un peu plus attentivement Charlie, son regard s'attardant un sur ses grands yeux clairs, ses lèvres charnues, sur les tâches de rousseur qui constellaient sa peau diaphane. On pouvait dire qu'il était sacrément bien tombé, pour quelqu'un qui avait simplement décidé de matcher juste parce qu'il aimait bien ses hobbies, sans la moindre photo. Il détourna enfin le regard, buvant une gorgée de son coca, avant de reposer son verre avec un sourire de défi. « Prête à te faire rétamer, alors ? ... A la battle de défauts, » clarifia-t-il. Il aurait pu attendre un peu pour remettre ça sur le tapis, mais pour être honnête, les blancs le paniquaient, avec les gens qu'il ne connaissait pas bien.