Vingt heure. A peine arrivé à la planque, après avoir vaguement croisé Jade, je file dans la salle de bain pour prendre une douche et me changer, m'habillant d'une tenue plus appropriée. Un costume noir bien taillé, à la hauteur de ma compagne et du lieu qui nous attends ce soir. J'ai fais une réservation auprès de l'un des meilleurs restaurants de New York, au dernier étage d'un immeuble qui couvre la ville de son immensité. Une vue splendide, une cuisine gastronomique, tout devrait être parfait. Exactement comme je l'espère. Rapidement, je quitte la planque après un rapide bisou à Jade, m'assurant que tout aille bien pour la soirée avant de quitter les lieux, un sourire qui ne me lâche à présent plus gravé sur les lèvres. Toute la journée, je n'ai fait que penser à elle, à la nuit dernière où nous nous sommes retrouvés, au point d'avoir la tête complètement ailleurs.

La force de l'habitude me mène jusqu'à mon ancien immeuble en quelques minutes seulement après être passé cherché un bouquet de roses. Je suis en avance, exprès, juste pour m'occuper de la voiture de flics qui stationne dans la rue depuis des semaines, espérant me pêcher dès que je mettrais un pied dans le quartier. Il n'aura suffit que d'un livreur bien payé et de quelques donuts fourrés aux somnifères pour en venir à bout. Je m'assurais donc d'avoir la paix le temps de quelques heures en m'assurant qu'ils dorment à point fermés avant de passer la porte de l'immeuble, satisfait.

Je franchis les quelques marches qui me menaient à son palier, le cœur battant tel un adolescent. J'étais stressé, même si je ne l'avouerais jamais. C'était notre premier rendez-vous, après des mois à ne se voir que dans nos appartements respectifs, juste pour une nuit. Le cœur en émoi, prenant une inspiration pour me calmer, je me fixais devant sa porte où je tapais trois coups, les fleurs en mains, gardant mon sourire, ayant hâte de la re-découvrir.

La porte ne s'ouvre pas à s'ouvrir sur sa silhouette. J'ai à peine le temps de l'admirer qu'elle se jette à mon cou, mariant nos lèvres dans un baiser. Mon bras libre se referme sur ses hanches de lui-même, la serrant contre moi en soupirant contre sa bouche. Ce n'est que lorsque nos lèvres se séparent que je lui rend un peu de liberté, découvrant la rougeur de ses joues tandis qu'elle découvre le bouquet.

"Elles ne sont pas aussi belles que toi."

Je la laisse s'échapper avec le bouquet, l'observant en silence alors qu'elle s'active à trouver un vase. Elle est magnifique, dans sa petite robe noire, avec ses cheveux détachés et son parfum qui vole dans l'air. Je m'en mordille même les lèvres, ne pouvant m'empêcher de mater ses fesses avant qu'elle ne revienne à mon bras. Je lui offre un sourire alors qu'elle m'assure de notre départ, descendant les marches avec elle jusqu'au hall. Mon regard la dévore dès que j'en ai l'occasion, ne pouvant tout simplement pas m'en empêcher.

"Merci. Ainsi je suis à ta hauteur." dis-je en me glissant jusqu'à ses lèvres. "Tu es magnifique" murmurais-je avant de lui voler ses lèvres d'un tendre baiser.

Je la conduisais jusqu'à ma voiture, lui ouvrant la portière avant de m'installer à ma place, démarrant la voiture sans attendre.

Le moteur se mit à rugir d'une agréable mélodie avant que nous ne prenions la route. Une musique emprunte de jazz se glissa doucement entre nous dans l'habitacle alors que je traçais notre chemin droit vers le restaurant, le regard rivé vers la route.

« Un petit restaurant que j'aime particulièrement. J'espère que tu apprécies la gastronomie française.  »

Je lui tirais un sourire léger, ne voulant pas trop en dire, ne pas gâcher toute la surprise. Dès que je le pu, au premier feu rouge, je lui accordait mon regard en attrapant doucement sa main, appliquant un baiser sur sa paume.

« Tu m'as manquée. »

J'avoue être rassuré lorsqu'elle m'assure aimer la cuisine française. S'aurait été dommage de devoir choisir un autre restaurant pour que nous puissions tous les deux profiter comme il se devait de notre repas. Mon sourire se fit plus large lorsqu'elle me taquina un peu, avant de m'assurer son manque de moi. Je soupirais de contentement, à la fois heureux de la retrouver comme avant et soulagé qu'elle semble moins m'en vouloir.

Il ne faut au final que peu de temps pour arriver jusqu'au restaurant. Je me gare devant le portier, coupant le moteur avant de sortir de la voiture pour le saluer d'un léger hochement de tête en lui confiant mes clés avant qu'il n'aille de lui-même ouvrir la portière de Scylla. Je lui offre à nouveau mon bras, me laissant le loisir de l'admirer à nouveau avant de l'emmener à l'intérieur, jusqu'à l'ascenseur, appuyant sur le bouton du dernier étage avant de me tourner vers elle.

La sonnerie retentit dans un léger tintement avant que les portes de s'ouvrent, dévoilant le restaurant dans toutes sa splendeur. Un mélange de rouge carmin et or, savamment orchestré dans un décor luxueux, agrémenté d'une vue panoramique sur la ville à travers d'immenses baies vitrées, offrant une vue spectaculaire. Presque aussitôt, le maitre d'hôtel nous accueille d'un sourire.

« Monsieur Reece, cela fait bien longtemps. Madame. Votre table vous attends. »

Je laisse ma compagne passer devant, glissant une main dans la courbe de ses reins en la suivant de près jusqu'à notre table. Je ne peux pas m'empêcher de laisser trainer mon regard sur Scylla, analysant ses réactions face à tout cela tout en m'asseyant à ma place.

« Alors, qu'est-ce que tu en penses ? »

Je me rappelle sans peine de tous les souvenirs qui me rattachent à cet endroit, sans que je ne le veuille vraiment. Fut une époque où Eze et moi faisions le tour des restaurants de New-York, afin de découvrir ce que la ville avait de mieux à offrir. Si celui-ci n'avait pas particulièrement retenu son attention, il en avait été tout autre pour moi. J'avais passé de nombreux deals ici même, à cette table, avant que tout cela ne parte en fumée lorsque mon époux avait disparu sans laisser de traces. Je devais admettre que revenir ici me donnait un peu le vertige, les souvenirs resurgissant d'une vie envolée depuis longtemps maintenant.

« Lorsqu'Ezekiel à disparu, je suis devenu une épave. Je me suis mis à boire comme jamais auparavant. J'étais dans un état pitoyable. Mes hommes m'étaient fidèles, ils voulaient prendre soin de moi, me laisser le temps dont j'avais besoin pour me remettre de mon deuil, mais je ne voulais pas. Je n'avais plus la force de mener les affaires comme avant. Alors, j'ai placé mon bras droit à ma place et je suis parti. Je ne voulais pas les entrainer dans ma chute. S'aurait été un désastre. »

Et maintenant, je mentirais si je disais que je n'avais plus l'envie de régner à nouveau sur cet empire, que j'avais construit moi-même, nous faisant passer de simple gang de quartier à l'un des plus importants de la ville en seulement quelques années. Je restais songeur un instant en me rappelant de cette époque où j'étais un autre homme avant qu'à nouveau, mes yeux ne se portent sur le menu.

« Je pense que je vais prendre le menu du chef. Leur poisson est délicieux, grillé comme il faut. C'est une valeur sûre. » Je relevais les yeux vers elle. « Une préférence pour le vin ? »

Sa réaction me fait perdre de ma superbe. Encore une chose dont je ne lui ai pas parlé. Je baisse les yeux, réalisant à quel point les choses ont été rapide avec cette idée de bar. Je me suis investi dedans sans réellement y réfléchir en premier lieu pour qu'au final, tout s'enchaine très rapidement. Plusieurs fois, j'avais eu envie de lui en parler, avant de me raviser pour préféré lui faire la surprise lorsque nous serions en voyage. Ce qui n'est évidemment jamais arrivé. Tout ça à cause de notre dispute. A cause de moi.

« Je voulais t'en parler durant votre voyage... J'aimerais t'y emmener un jour. Ça me plairait beaucoup d'avoir ton avis. »

Je surenchéris avec l'idée de notre voyage, justement, pour ensuite observer les réactions de ma compagne qui s'imprime sur son visage. Cette dispute, cette distance, à brisé quelque chose entre nous. Quelque chose de précieux, qui me semble tout simplement irréparable à cet instant, alors qu'elle m'annonce que c'est bien trop précipité d'en parler maintenant. L'impression d'avoir tout foutu en l'air me presse un peu trop pour que je puisse retenir le sourire quelque peu fade qui déforme mes joues.

« Bien sûr. Tu as raison. Profitons de ce que nous avons. »

Même si ça me tue de l'admettre. Heureusement, le sommelier arrive pour présenter les vins. Je reprends ma main de ses doigts pour porter mon attention sur lui, l'invitant d'un signe de tête à servir Scylla tandis que je plonge mon nez dans mon verre, les yeux rivés sur elle.

« Qu'est-ce que tu en penses ? Il te plait ? »

Je goûte l'alcool fruité avec une habitude perdue depuis quelques temps déjà, attendant l'avis de ma promise avant que le serveur ne remplisse à nouveau nos verres. C'est seulement lorsqu'il repart que je m'approche un peu d'elle, reprenant mes caresses sur sa main du bout des doigts.

« Raconte moi. Que s'est-il passé dans ta vie en mon absence ? »

Le fait qu'elle me confirme vouloir découvrir le bar me réjouit malgré ma déception. J'ai hâte de le lui montrer, de pouvoir en parler avec elle une fois là-bas et de pouvoir lui offrir une de nos spécialités, même si ça peu paraitre complétement ridicule. Une partie de moi planifie déjà de ne lui parler que du bar et non pas de ce qui se passe dans les bas-fonds de l'établissement, avant que l'autre ne prenne le dessus. Je ne veux plus rien lui cacher. Ça non plus. Alors je le lui dirais, comme je me fais la promesse de lui parler de tout. De Jade, d'Eze, du bar, même de Milo. Je ne veux plus qu'elle pense que je ne veux pas l'intégrer à ma vie, alors que je ne désire que cela au final. Retrouver notre complicité et lui faire comprendre à quel point mes sentiments pour elle sont sincères.

Le vin est servi, avant que le serveur ne s'en aille, nous laissant seul à nouveau. Distraitement, ma main libre de la sienne joue avec mon verre, goûtant la saveur du vin sur ma langue tandis qu'elle m'explique son enquête. Un centre pour sans-abris ? Je ne peux m'empêcher de sourire.

« Tu es une véritable enquêtrice. Je suis sûr que tu fais ça très bien. Tu sais de quel genre d'activités il s'agit ? Je pourrais peut-être t'aider ? Enfin, peu importe, si tu as besoin de moi, n'hésite pas. »

N'importe quoi, elle n'avait qu'à le demander. Si je pouvais servir à quelque chose, autant que ce soit pour elle. Et pour une juste cause, pour une fois.

J'écoute attentivement son récit sans la lâcher du regard. Son histoire résonne étrangement en moi. Ce genre de pratique ne m'est pas inconnue. Pour l'avoir vécu avec ma mère, je suis totalement au courant que ce genre de choses existent et que ce n'est pas un cas unique. Cela fait partie des raisons pour lesquelles j'avais agit par le passé avec le centre qui avait accueilli ma mère, en devenant l'actionnaire majoritaire du centre dans lequel je l'avais placée. Pour éviter que ce genre de pratiques ne continuent à perdurer. Ce genre de sujet était sensible pour moi. Si elle avait raison – et je n'en doutais pas une seule seconde – comme elle le disait elle-même, cela pourrait être dangereux pour elle.

« Je t'aiderais. Je vais voir ce que je peux faire. »

Et je savais déjà même à qui m'adresser. A qui donner une petite frayeur pour récolter les précieuses informations. Pensif un instant, mon attention dévia d'elle pour se perdre dans mon vin. Un silence se fait entre nous, avant qu'un nouveau serveur n'arrive, cette fois avec notre commande. J'ai un léger sourire à son encontre avant de reporter mon regard sur elle, découvrant sa réaction sur ses traits. Je ne m'en lasse pas. Je pourrais passer ma vie à l'admirer ainsi.

« Ça a l'air délicieux. »

Je me décolle du fond de mon siège pour abandonner mon verre et accorder pleinement mon regard au plat devant moi. Je ne suis pas surpris mais plutôt heureux de constater que la qualité des plats que l'on sert ici n'a pas changé. Enfin, il reste encore à goûter pour le savoir.

« Bon appétit. »

Je lui offre un sourire tendre avant d'enfin attaquer mon assiette.

Je lui rend son sourire. Aller à la pêche aux infos sans se mettre en danger, ce serait bien une première. Mais j'essayerais, juste pour lui faire plaisir. Mon attention se tourne sur le plat, dont je déguste chaque bouchée, ne regrettant définitivement pas mon choix de l'emmener ici. C'est délicieux. Parfaitement cuit. J'aimerais un jour cuisiner aussi bien. Mais j'ai la sale tendance à rester dans ma zone de confort et ne pas me donner la peine d'essayer de nouvelles choses. Un jour, peut-être m'y remettrais-je un peu plus sérieusement.

Je fini par relever la tête, essuyant ma bouche au passage. J'ai un sourire léger. Ce n'est pas tout à fait exact. Elle a déjà cuisiné pour moi. Je me souviens très bien du petit déjeuner que nous avons partagé dans son appartement un matin, celui où je lui ai révélé quel homme j'étais réellement. Mais je me tais, gardant ce précieux souvenir pour mon esprit seul en attrapant à nouveau mon verre.

« Avec plaisir. Je n'ai jamais goûté ce genre de plat. Ce serait une première. »

Et je m'en réjoui d'avance. Je n'ai aucun mal à imaginer ça. La voir s'activer en cuisine et n'être que son assistant, une fois n'est pas coutume. Partager un moment aussi simple, ça me manque cruellement. Je porte mon verre à mes lèvres en souriant.

« Je ramènerais de quoi faire un apéritif digne de ce nom. J'ai reçu une bière spéciale au bar il y a quelques jours. Je veux absolument que tu la goûtes. Ce sera l'occasion. »